L’historienne Catherine Ferland nous parle de sa passion pour l’histoire et l’écriture!
ME : Que voulais-tu faire dans la vie quand tu avais 6 ou 7 ans?
J’étais passionnée par un tas de choses! Dans l’espèce de livre « Souvenirs d’école » que ma mère m’avait acheté qui m’a suivi de la prématernelle à l’université, on peut voir sur les pochettes de mes années de primaire que je voulais être médecin, avocate, archéologue, chanteuse, journaliste… et écrivaine.
ME : Quel est ton souvenir du premier livre que tu as lu, et quel en était le titre ? Pourquoi ce livre t’a-t-il plu?
Je ne me rappelle pas exactement du premier livre que j’ai lu, mais je peux dire que j’ai lu (et relu, et relu) la collection complète de la comtesse de Ségur! J’aimais beaucoup Un bon petit diable et surtout Jean qui grogne et Jean qui rit. J’étais fascinée par la manière dont vivaient les enfants des années 1850-1860. En y repensant bien, je crois que mon intérêt pour l’histoire remonte à ces lectures!
ME : Y-a-t-il eu un.e enseignant.e qui t’a influencée dans ton choix de carrière?
Oui, mais ça a pris du temps : c’était à l’université à Chicoutimi. André Côté, avec sa passion et sa petite allure à la Albert Einstein, parlait d’histoire du Québec avec une énergie communicative. Il nous faisait lire de vieux documents qui avaient 250-300 ans et nous expliquait ce qu’il fallait y comprendre, ce qu’on pouvait y apprendre sur la vie de nos ancêtres. C’est grâce à lui si je me suis intéressée à la Nouvelle-France!
ME : Pourquoi avoir choisi les études que tu as faites?
Parce que j’ai fini par comprendre que j’avais très, très envie de faire connaître notre histoire aux gens du Québec, petits et grands. Mais être passionnée ne suffit pas. Pour devenir une bonne historienne, j’avais besoin d’outils, de méthode, bref de formation! J’ai donc pris les moyens qu’il fallait pour devenir une bonne chercheuse, puis une bonne communicatrice et bien sûr une bonne autrice.
ME : Quand tu as démarré tes études universitaires, que comptais-tu faire comme carrière?
Je pensais enseigner l’histoire et la géographie au secondaire. Mais j’ai finalement choisi de pousser mes études encore plus loin, jusqu’à la maîtrise et au doctorat.
ME : Quelle est la période de l’histoire du Québec que tu préfères ? Y-a-t-il des personnages historiques que tu admires?
J’aime beaucoup les débuts de la colonisation française. Il y a tellement d’énergie dans les commencements, quand tout est à faire!
ME : Pourquoi avoir dit « oui » au projet d’une collection de romans historiques québécois, basée sur la vie de Guillemette et ses descendantes?
Parce que c’est une idée formidable! Je trouve que c’est une chance incroyable, un privilège de pouvoir raconter l’histoire à travers les yeux d’une enfant, puis de suivre le fil du temps, d’une fille à l’autre, génération par génération, jusqu’à nos jours. Il y a aussi quelque chose de très touchant de retrouver la fillette du roman précédent qui devient mère à son tour, puis grand-mère… parce que lorsqu’on est enfant, on «sait» que nos parents ont déjà été jeunes, mais sans le comprendre vraiment. Dans ces romans, de découvrir Guillemette à 11 ans en 1617, puis la revoir quand elle est la mère de Marie en 1644, et la retrouver encore quand elle est la grand-mère de Catherine en 1666… c’est tout simplement super! C’est une idée que j’aurais aimé avoir moi-même! Bref, je suis honorée qu’on m’ait approchée pour écrire cette saga, j’adore faire les recherches puis écrire ces romans, alors j’espère que les lectrices et les lecteurs vont me suivre dans l’aventure!
ME : Quelle a été ta démarche d’écriture pour Guillemette, le premier tome de la collection Les filles de Guillemette?
Je sais que bien des écrivaines et écrivains ont une démarche précise lorsqu’ils abordent un manuscrit, mais ce n’est pas mon cas. Je travaille plutôt selon l’inspiration du moment ! Pour Guillemette, j’avais une idée générale de l’histoire que je voulais raconter, bien sûr, sauf que je n’ai pas travaillé selon un plan ou une structure. Par exemple, j’ai écrit le premier chapitre d’un seul jet alors que je me trouvais à Paris, la ville d’origine de Guillemette : l’inspiration est venue tout d’un coup. Il y avait une sorte d’urgence à exprimer le récit, comme si c’était Guillemette qui, à travers mes mots, racontait sa propre version de son histoire ! Ça fonctionne souvent comme ça pour moi. Je m’installe avec mon ordinateur portable dans ma cuisine, dehors, dans un café, chez mon amoureux, dans l’autocar ou dans le train, dans une bibliothèque, n’importe où… et j’écris, tout simplement.
En tant qu’historienne, il est très important pour moi que le récit soit plausible au plan historique. Évidemment, je prends certaines libertés narratives, par exemple pour les interactions entre mes personnages, les dialogues et tout ça, mais je me documente de manière à ce que ce soit réaliste. Par exemple, quand je raconte ce qui se passe pour Guillemette et sa famille pendant la tempête en plein océan, je me base sur des récits réels : comment le navire craque de partout, le fait que la houle renverse tout à l’intérieur de la cale, à quel point les passagers sont terrifiés… Ça permet de donner beaucoup de réalisme aux événements et aussi de ressentir ce que les passagers ont pu vivre pendant la traversée.
Enfin, j’aime créer des éléments de surprise dans mes récits, alors chacune des fillettes vivra des aventures où il y aura des événements inusités, un peu de mystère… mais toujours avec un ancrage historique réel! Les « filles de Guillemette » devront toutes faire preuve de débrouillardise, de courage et de créativité pour résoudre certaines énigmes. Attendez de voir ce que Marie va découvrir dans le boisé!
ME : Comment as-tu choisi la lignée des descendantes de Guillemette?
Puisque j’aime beaucoup la généalogie, j’ai commencé par faire un gros travail, très exhaustif, afin de repérer les lignées de descendantes qui, de fille en fille, se rendaient jusqu’aux années 1930. Il y en a une bonne douzaine. Parmi elles, j’ai choisi la lignée qui m’apparaît la plus intéressante en termes d’événements… et aussi de localisation géographique. Avec Guillemette, on part de la France, on traverse l’Atlantique en navire, on découvre Tadoussac et puis Québec. Avec Marie, on voit Québec telle qu’elle était une trentaine d’années après sa fondation. Avec Catherine, on se promènera entre la seigneurie de Lauzon, Québec et même une autre localité près du fleuve Saint-Laurent… Je n’en dis pas plus : il faudra lire la saga pour découvrir où nous amèneront les descendantes de Guillemette!
ME : Quels sont tes passages préférés dans Guillemette? Pourquoi?
De manière générale, j’ai un coup de cœur pour les moments où Guillemette s’émerveille de ce qu’elle découvre : l’immensité de la mer, les marsouins, les icebergs, la présence d’une jeune fille autochtone de son âge avec laquelle elle se lie d’amitié… Pour une petite Parisienne de 11 ans, toutes ces trouvailles sont vraiment étonnantes, alors je trouve formidable qu’on les découvre à travers ses yeux. J’aime aussi beaucoup la scène où Guillemette « confronte » sa mère à propos du mystérieux livre et des petits papiers que lui remet le frère récollet en cachette. Il y a beaucoup d’émotions et de tendresse dans ce passage.
ME : Si tu avais vécu à l’époque de Guillemette, quel personnage aurais-tu aimé incarner? Pourquoi?
Assurément la maman de Guillemette, Marie Rollet. C’est une femme instruite qui démontre beaucoup d’autonomie, d’indépendance et aussi de curiosité: après tout, pour entreprendre ce voyage vers la Nouvelle-France avec son mari et ses trois enfants, il fallait avoir un caractère bien trempé!
ME : Que préfères-tu dans l’exercice de ton métier?
J’aime communiquer ma passion pour l’histoire de toutes les manières. Je donne des conférences, je fais de la radio et de la télé, j’écris des articles dans des revues et je publie des livres pour les enfants, les ados et les adultes. M’adapter à chacun de mes publics pour leur transmettre des connaissances et surtout un gros intérêt pour l’histoire, c’est un merveilleux défi que j’adore relever!
ME : Si tu n’étais pas devenue historienne ou autrice, qu’aurais-tu fait dans la vie?
Dans les métiers plus manuels, j’aurais aimé être scénographe pour créer des décors de théâtre, de cinéma, de télé ou d’opéra. Et du côté des sciences, tout ce qui touche la géologie me fascine : quand je marche près du fleuve et que je vois des roches qui ont des millions d’années, je ressens une sorte de vertige. Je me dis que je ferai peut-être des études en géologie juste pour le plaisir, un jour, quand j’aurai le temps!
ME : Quel sera le prochain titre de la série?
Le deuxième livre s’appelle Marie, car nous allons suivre l’une des filles de Guillemette, Marie Couillard. Puis le troisième livre portera mon propre prénom (un pur hasard), Catherine !
Crédit photo: Éric Dussault